Date de publication : le • Modifié le 21 mai 2021 • Temps de lecture : 2 min.

Mois sans tabac : un défi de santé publique

Femme et Tabac

FEMME ET TABAC :
UNE ÉPIDÉMIE CARDIO-VASCULAIRE ANNONCÉE…
…OU COMMENT PERDRE LE PRIVILÈGE D’ÊTRE UNE FEMME

Pr Daniel THOMAS – Institut de Cardiologie, Pitié-Salpêtrière, Paris

Si, en raison de l’évolution du tabagisme féminin, le nombre de décès par cancer du poumon chez la femme en France rejoint pratiquement celui des décès par cancer du sein, il n’y a pas que dans le domaine du cancer que le tabagisme fait des ravages chez les femmes. Avec le tabagisme, celles-ci perdent également la protection cardio-vasculaire relative qu’elles ont naturellement par rapport aux hommes.

Début mars 2016, un numéro spécial du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire(1-4), consacré à la santé cardio-vasculaire des femmes, a permis de rapprocher plusieurs  études qui illustrent parfaitement le lien étroit qui existe dans notre pays entre l’évolution des accidents cardio-vasculaires de femmes et la progression du tabagisme féminin, avec :

  • d’une part, une évolution importante de l’incidence des hospitalisations pour infarctus du myocarde entre 2008 et 2013 chez les femmes de moins de 65 ans et en particulier chez celles de 45 à 54 ans (de l’ordre de + 5% par an) , alors que cette incidence est en baisse significative chez les femmes plus âgées(2).
Evolution annuelle moyenne des hospitalisations pour infarctus du myocarde en fonction de l’âge et du sexe entre 2008 et 2013 (2).

d’autre part, une franche évolution du tabagisme quotidien féminin dans les mêmes tranches d’âge de 40 à 65 ans par rapport aux générations précédentes(3). Les femmes qui ont commencé à fumer entre 15 et 20 ans, dans les années 70 -80, arrivent maintenant à l’âge où comme les hommes fumeurs elles font des accidents coronaires précoces. Cette évolution va à présent gagner les tranches d’âge au-delà de 65 ans car la majorité de ces femmes poursuivent leur tabagisme.

Evolution du tabagisme quotidien par tranche d’âge chez les femmes entre 1980 et 2014(3)

Ainsi, le décalage habituel d’une dizaine d’années de l’âge moyen de survenue des accidents coronaires entre hommes et femmes (65 ans pour les hommes et 75 ans pour les femmes) risque fortement de s’atténuer, voire de disparaitre, en raison de cette évolution du tabagisme féminin.

Dans ce même numéro une autre étude rapporte une augmentation significative de l’incidence des infarctus cérébraux chez les moins de 55 ans, dans les deux sexes, entre 1999 et 2005. Cette étude souligne également l’impact du tabagisme sur ces accidents précoces (Figure 3) (4). Parmi les patients de moins de 55 ans ayant présenté un infarctus cérébral 58% sont fumeurs ou anciens fumeurs, facteur de risque de loin le plus présent, largement devant l’hypertension artérielle (37%) et l’hypercholestérolémie (28%).  

Prévalence du tabagisme chez les patients de moins de 55 ans ayant présenté un infarctus cérébral entre 2003 et 2011 (Registre dijonnais des AVC)(4)

Enfin, à rapprocher de ces données, celles concernant une évolution significative des hospitalisations anévrysmes de l’aorte abdominale non rompus chez les femmes entre 2000 et 2013(5)Il est logiquement souligné dans l’analyse de cette étude le rapprochement avec une augmentation de la prévalence de fumeuses entre 2005 et 2014, particulièrement pour les 45-64 ans.

Evolution des hospitalisations pour anévrysmes de l’aorte abdominal non rompus entre 2000 et 2013(5).

L’ensemble de ces données actualisées soulignent l’importance de rappeler que les femmes fumeuses ne sont pas moins à risque de faire des accidents vasculaires que les hommes. La plupart des études, ainsi qu’une méta-analyse, montrent que, à âge égal et pour une même exposition au tabac, elles ont même un risque de complications cardio-vasculaires augmenté de 25% par rapport aux hommes(6).

Sources : 

  1. http://www.invs.sante.fr/beh/2016/7-8/index.html
  2. Gabet A et al. Bull Epidemiol Hebd. 2016; (7-8):100-8
  3. Richard JB, Beck F. Bull Epidemiol Hebd. 2016; (7-8):126-33
  4. Bejot Y et al. Bull Epidemiol Hebd. 2016;(7-8):118-25
  5. Robert M et al. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(38-39):724-32
  6. Huxley  RR, Woodward M. Lancet 2011; 378: 1297–305

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